14 avril 2020
BAUX, MANDATS ET ACQUISITIONS IMMOBILIÈRES:
a) L’Ordonnance 2020-316 du 25 Mars 2020 clarifie les conditions de la suspension de plein droit du paiement des loyers pour les baux commerciaux et professionnels.
Sont seuls concernés les loyers et charges locatives dont l’échéance intervient entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.
Trois conditions doivent être réunies :
– Que le locataire réalise un chiffre d’affaires inférieur à 1.000.000,00 d’Euros.
– Que le bénéfice annuel du preneur soit inférieur à 60.000,00 Euros.
– Que le ou l’entreprise commerce ait fait l’objet d’un Arrêté interdisant son ouverture, ou d’une perte de chiffre d’affaires d’au moins 50 % en mars 2020 par rapport à mars 2019.
Aucune précision n’est donnée en ce qui concerne les deux premiers seuils ; S’agit-il de la moyenne des trois dernières années, des résultats de l’exercice précédent ou des prévisions sur l’exercice en cours ; On l’ignore.
Ces dispositions s’appliquent également aux entreprises bénéficiant d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, sur attestation de l’un des mandataires de justice désignés.
En ce qui concerne les autres cas, baux conclus au bénéfice de preneur ne relevant pas des trois seuils précédents ou baux d’habitation, aucune suspension de plein droit n’est envisagée.
Dans ces hypothèses, il conviendra de retenir la voie commune, à savoir la demande de délais formulée devant le Juge ; En référé devant le Président du Tribunal judiciaire (Ancien Tribunal de Grande Instance) en ce qui concerne les baux commerciaux avec représentation obligatoire par Avocat, ou devant le Juge des Contentieux de la protection (ancien Tribunal d’Instance) pour les baux d’habitation.
La référence faite à la « force majeure », qui permet au Juge de suspendre (et non de supprimer) le paiement des loyers, pourra être envisagée. Il conviendra néanmoins d’insister sur le caractère provisoire de cette suspension afin que le Juge ne constate pas que cette « force majeure » ne conduit à une situation définitivement obérée, et ne prononce en conséquence la résiliation du bail.
Enfin, l’Ordonnance vise … » les loyers et charges locatives dont l’échéance intervient entre le 12 mars 2020″… La période de suspension peut donc être différente selon que le loyer est à terme échu ou à échoir.
b) L’Ordonnance 2020-306 du 25 Mars 2020 prévoit la prorogation de plein droit de certains délais, dans les termes suivants :
… »Les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitair edéclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 22 mars 2020 susvisée. Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois. »…
Telle que rédigée, cette Ordonnance vise donc également les délais prescrits en matière de clause résolutoire ce qui est rappelé à l’article 4 de l’Ordonnance.
Il conviendra donc, dans l’hypothèse de la délivrance d’un commandement visant la clause résolutoire, de prévoir cet allongement dans le délai ouvert au locataire pour s’exécuter afin que la validité de ce commandement ne puisse faire l’objet de contestation ;
c) Dans le même esprit, tous les délais imposés aux notifications de décisions de résiliation d’une convention (notamment l’obligation de délivrer un congé avant une certaine date), ou de renouvellement d’une convention (notamment l’obligation de notifier la demande de renouvellement d’une convention qui aurait pris fin de plein droit à défaut de demande)sont pareillement suspendus.
Rien ne permet de penser que les actes civils (mandats donnés à une agence immobilière, congé de reprise pour habiter, congé pour vendre…) soient écartés par les dispositions de l’Ordonnance.
Il conviendra néanmoins de veiller, dans la notification d’un tel congé, de rappeler les dispositions de l’Ordonnance pour justifier la date à laquelle le congé est donné et la date pour laquelle le congé est donné.
d) Au regard de son caractère très général, on peut également considérer que ces reports s’appliquent également à toute notification relative à l’exercice de faculté de rétractation ou tout paiement en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un droit, et notamment donc à l’exécution de promesses de vente d’immeubles fixant un délai de réalisation qui expirerait entretemps.
CONTRATS COMMERCIAUX
a) Les prorogations rappelées ci-dessus nous semblent s’appliquer également à l’exécution des contrats commerciaux de toute nature, contrat de distribution ou d’approvisionnement, de franchise, engagements contractuels d’exclusivité…
Mais au regard des difficultés économiques prévisibles, nous attirons votre attention sur les nouvelles dispositions issues de la réforme du Code Civil intervenue en 2016 et qui ont inscrit dans la Loi la possibilité de « renégocier » les conditions d’exécution d’un contrat existant au visa des dispositions de l’article 1195 du Code Civil
b) Cette possibilité existe si le contrat concerné a été conclu après le 1er Octobre 2016 et ne l’exclut pas expressément ; En effet ce texte n’étant pas d’ordre public, certaines conventions contiennent d’ores et déjà une disposition excluant son application.
c) La procédure suppose une phase préalable de tentative de conciliation et, en cas de refus ou d’échec, la possibilité de demander au Juge de réviser le contrat ou d’y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe.
Tant que cette Décision judicaire n’est pas intervenue, les parties ont l’obligation de respecter le contrat initial et le défaut d’exécution peut être sanctionné ; Il est préférable donc de ne pas différer cette démarche.
Naturellement, cette renégociation ne peut être sollicitée que si un changement « imprévisible » lors de la conclusion du contrat conduit son exécution à devenir « excessivement onéreuse » pour une des parties sans que celle-ci ait accepté d’en prendre le risque, c’est-à-dire sans qu’elle ait accepté dans la convention, de renoncer au bénéfice de cette faculté.
On pense naturellement à des conventions imposant des quotas d’achats ou de ventes, ou des délais de réalisation ou de paiement susceptibles de mettre en danger la pérennité de l’entreprise.