L’article 1er de la Loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire a complété le code de la santé publique par un Article L3136-2 selon lequel :
« L’article 121-3 du Code pénal est applicable en tenant compte des compétences, du pouvoir et des moyens dont disposait l’auteur des faits dans la situation de crise ayant justifié l’état d’urgence sanitaire, ainsi que de la nature de ses missions ou de ses fonctions, notamment en tant qu’autorité locale ou employeur« .
Cet article 121-3 du Code pénal prévoit que :
« Il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre.
« Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d’autrui.
« Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de
faute d’imprudence, de négligence ou de
manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.
« Dans le cas prévu par l’alinéa qui précède, les personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter, sont responsables pénalement s’il est établi qu’elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer ».
Si la Loi ne fait que rappeler les règles existantes, ce rappel, validé le 11 mai par le Conseil constitutionnel (n° 2020-800 DC) conduit à devoir attirer l’attention des employeurs sur la stricte nécessité de respecter des règles particulières de prudence ou de sécurité relatives à la santé au travail lors du déconfinement, sous peine de voir leur responsabilité pénale engagée sur le fondement d’une faute pénale non intentionnelle.
Si le Ministère du Travail a précisé dans ses Q/R (https://travail-emploi.gouv.fr/le-ministere-en-action/coronavirus-covid-19/proteger-les-travailleurs-les-emplois-les-savoir-faire-et-les-competences/proteger-les-travailleurs/article/securite-et-sante-des-travailleurs-les-obligations-generales-de-l-employeur-et# – Mise à jour 01/05/2020) qu’ « Il n’incombe pas à l’employeur de garantir l’absence de toute exposition des salariés à des risques mais de les éviter le plus possible et s’ils ne peuvent être évités, de les évaluer régulièrement en fonction notamment des recommandations du gouvernement, afin de prendre ensuite toutes les mesures utiles pour protéger les travailleurs exposés. »
L’employeur doit néanmoins, dans le cadre de son obligation de prévention (art. L.4121-1 et L.4121-2 ctrav.) et du COVID-19, mettre en œuvre « toutes » les mesures « nécessaires » et « utiles » pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, mesure qu’il détermine, en y associant les représentants du personnel (CSE) :
- -Après l’évaluation des risques encourus (Mise à jour et réactualisation du DUER)
- -En tenant compte de « celles préconisées par le Gouvernement, en particulier les mesures prises pour respecter les gestes barrière et les règles de distanciation », telle que résumées notamment dans le « Protocole National de déconfinement » édité par le Ministre du Travail, ses fiches métiers.
- Des guides de recommandations édités par les Branches professionnelles,
- Sans oublier les mesures de prévention des risques psychosociaux (stress face au COVID, contraintes inhérentes à l’activité professionnelle en cette période de crise, risque lié au télétravail et à l’hyper-connexion au travail anxiété liée au contact avec le public, augmentation du risque de tensions avec le public/ collègues etc.)
Reste que les mesures préconisées laissent à l’employer une marge d’appréciation quant à leur mise en œuvre, parfois insécurisante face au développement d’un virus et d’une crise qu’il ne maîtrise pas.
Nous ne pouvons que conseiller d’associer au plus tôt le service de médecine du travail dans l’évaluation des risques, la détermination et la mise en œuvre des mesures à mettre en place.
Le juge pénal continuera quant à lui d’apprécier la responsabilité de l’employeur en tenant compte « des compétences, du pouvoir et des moyens dont disposait l’auteur des faits dans la situation de crise ayant justifié l’état d’urgence sanitaire… »
Paris le 13/05/2020
Pascale RAYROUX-LOPEZ