Selon l’Article L3262-1 C.Trav. « Le titre-restaurant est un titre spécial de paiement remis par l’employeur aux salariés pour leur permettre d’acquitter en tout ou en partie le prix du repas consommé au restaurant ou acheté auprès d’une personne ou d’un organisme mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 3262-3. Ce repas peut être composé de fruits et légumes, qu’ils soient ou non directement consommables. »
L’article R.3262-4 C.Trav. ajoute que : « Les titres-restaurant ne peuvent être utilisés que dans les restaurants et auprès des organismes ou entreprises assimilés ainsi qu’auprès des détaillants en fruits et légumes, afin d’acquitter en tout ou en partie le prix d’un repas. Ce repas peut être composé de préparations alimentaires directement consommables, le cas échéant à réchauffer ou à décongeler, notamment de produits laitiers. Il peut également être composé de fruits et légumes, qu’ils soient ou non directement consommables».
L’URSSAF de longue date (https://boss.gouv.fr/portail/accueil/avantages-en-nature-et-frais-pro/frais-professionnels.html#1800) et plus récemment le Ministre du Travail dans ses Q/R « Télétravail en période de COVID » du 20 mars 2020, ont admis que le principe d’égalité des droits édicté par l’Article L.1222-C.Trav., selon lequel « Le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise » devait conduire à accorder aux salariés en télétravail le bénéfice de tickets-restaurants
Il en est de même de la Commission Nationale des Titres-Restaurants (CNTR) (https://www.cntr.fr/V2/quest_rep/tr_employe.php) qui estime de son côté que:
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« Compte tenu de ce qui précède, la Commission estime, sous réserve de l’appréciation souveraine des tribunaux :
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« – au regard de l’article 4 de l’accord national interprofessionnel et en application du principe d’équité, que si les travailleurs de l’entreprise bénéficient de titres-restaurants, il puisse en être de même pour les télétravailleurs à domicile ;
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« – que s’il peut être admis que la mise en place du télétravail a modifié en profondeur l’organisation et la réalisation même du travail, les conditions de travail du télétravailleur doivent être équivalentes à celles requises pour l’attribution de titres-restaurants aux salariés travaillant dans les locaux de l’entreprise : une journée organisée en deux vacations entrecoupées d’une pause réservée à la prise d’un repas (art R 3262-7 du Code du travail) »
C’est la position qu’a récemment adoptée le Tribunal Judiciaire de Paris le 30 mars 2021(TJ 30 mars 2021 n°20/09805) sous le visa de ces textes
Le TJ de Paris a ainsi considéré comme inopérant l’argument selon lequel « le titre-restaurant a pour objectif de permettre au salarié de se restaurer lorsque celui-ci ne dispose pas d’un espace pour préparer son repas, ce qui s’accorde peu avec le salarié en télétravail qui dispose de sa cuisine personnelle et qui n’a donc pas à se limiter à des plats immédiatement consommables »
Il a considéré que « le télétravail désigne toute forme d’organisation du travail effectué par un salarié hors des locaux de l’employeur qui utilise les technologies de l’information et de la communication, ce qui n’implique pas pour le salarié de se trouver à son domicile ni de disposer d’un espace personnel pour préparer son repas », « En outre, d’autre part, l’objet du titre-restaurant est de permettre au salarié de se restaurer lorsqu’il accomplit son horaire de travail journalier comprenant un repas, mais non sous condition qu’il ne dispose pas d’un espace personnel pour préparer celui-ci ».
Il est exact que l’Article L.1222-9 C.Trav. défini le télétravail sans viser expressément le domicile du salarié.
Le TJ en a déduit que « les conditions d’utilisation des titres-restaurants sont tout à fait compatibles avec l’exécution des fonctions en télétravail puisqu’elles ont pour principe directeur de permettre au salarié de se restaurer lorsque son temps de travail comprend un repas, et qu’à ce titre les télétravailleurs se trouvent dans une situation équivalente à celle des salariés sur site
Des décisions contraires sont également intervenues:
En effet, adoptant une autre position, le TJ de Nanterre le 10 mars 2021 ( TJ Nanterre, 10 mars 2021, n° RG 20/09616 : JurisData n° 2021-003018 a admis que les télétravailleurs ne pouvaient prétendre au maintien du bénéfice des tickets-restaurants n’étant pas dans la «même situation » que les salariés sur site, en retenant la notion de « surcoût »
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« L’ANI du 26 novembre 2020 sur le télétravail ne comporte aucune disposition sur les tickets-restaurants. Le titre-restaurant est un avantage consenti par l’employeur qui ne résulte d’aucune obligation légale. La loi ne définit pas ses conditions d’attribution si ce n’est que le repas du salarié pris en charge doit être compris dans son horaire de travail journalier.
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(…) l’objectif poursuivi par l’employeur en finançant ces titres de paiement en tout ou en partie, est de permettre à ses salariés de faire face au surcoût lié à la restauration hors de leur domicile pour ceux qui seraient dans l’impossibilité de prendre leur repas à leur domicile.
Et en effet, l’égalité de traitement suppose que ses salariés soient placés dans une même situation.
La Cour de cassation a ainsi pu admettre qu’une disparité du coût de la vie, liée à une localisation géographique différente puisse justifier une différence de traitement, car reposant sur une justification objective et pertinente (Cass. soc., 14 sept. 2016, n° 15-11.386) ou qu’une différence de frais puisse justifier une telle disparité (Cass. soc., 30 mai 2012, n° 11-16.765 visant l’attribution d’une prime liée au port d’une tenue de travail moins élevée pour ceux qui portent une tenue simplifiée).
Et l’on peut lire que sur le site du gouvernement (https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A14399) on peut lire que
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« L’employeur peut définir certains critères pour attribuer des titres-restaurant à condition qu’ils soient objectifs, c’est-à-dire applicables aussi bien aux télétravailleurs qu’aux salariés travaillant sur site. Par exemple, il peut décider de distribuer des titres-restaurant en fonction de l’éloignement du lieu de travail par rapport au domicile car la distance entre le travail et le logement du salarié est un critère objectif. »
La question est donc maintenant ouverte et il nous faudra attendre que la Cour de Cassation tranche le débats.
Pascale RAYROUX-LOPEZ