a) Nous avions attiré votre attention par une précédente note sur les dispositions de l’Ordonnance 2020-306 du 25 Mars 2020 prévoyant la prorogation de plein droit de certains délais, dans les termes suivants :
… »Les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 22 mars 2020 susviséeTout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou p
ublication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois. »…
Telle que rédigée à l’origine, tous les délais imposés aux notifications de décisions de résiliation d’une convention, ou de renouvellement d’une convention devaient être pareillement suspendus.
Enfin au regard de son caractère très général, on pouvait également considérer que ces reports s’appliquaient également à toute notification relative à l’exercice de faculté de rétractation ou tout paiement en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un droit, et notamment donc à l’exécution de promesses de vente d’immeubles fixant un délai de réalisation qui expirerait entretemps et aux autres délais de réflexion et rétractation prévus par le Code de la Consommation notamment.
b) Or une nouvelle Ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 publiée le 16 Avril vient …« compléter »… ces dispositions dans les termes suivants :
…« Le présent article n’est pas applicable aux délais de réflexion, de rétractation ou de renonciation prévus par la loi ou le règlement, ni aux délais prévus pour le remboursement de sommes d’argent en cas d’exercice de ces droits.
Cette modification de l’article 2 a un caractère interprétatif. »…
En fait de « complément », il s’agit d’une modification notable.
Sont visés par cette modification tous les délais de réflexion, rétractation ou renonciation prévus par la Loi ou le Règlement et ils sont légions ; À titre d’exemple, en cas d’acquisition d’un immeuble, ou de commandes de biens ou services encore d’achat sur internet ou de démarchage à domicile, de crédit à la consommation, de souscription d’assurances vie ou de contrat de prévoyance, de souscription de cours par correspondance… tous prévus par le code de la consommation.
Les différents délais prévus par ces textes sont donc désormais maintenus et devront donc être respectés : 10 jours pour une acquisition immobilière par un particulier, 14 jours pour les achats par internet, démarchage à domicile, crédits à la consommation…Cette liste n’étant pas exhaustive.
c) On peut comprendre qu’en raison des circonstances, l‘Ordonnance initiale du 25 Mars 2020 ait été rédigée rapidement, sans en mesurer la portée.
Mais l’intolérable est atteint quand cette modification s’accompagne de la mention suivante :
… »Cette modification de l’article 2 a un caractère interprétatif. »…
Ce qui signifie que cette modification a un effet rétroactif au mépris des dispositions de l’article 2 du Code Civil, selon lesquelles … »La loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif »…
Ainsi, une personne ayant signé une promesse d’acquisition d’un appartement le 30 mars 2020 et qui pensait légitimement à la lecture de l’Ordonnance initiale du 25 mars 2020 que son délai de réflexion de 10 jours était suspendu, apprend par l’Ordonnance du 15 Avril 2020 que non seulement ce délai n’est pas suspendu, mais que de surcroît il est d’ores et déjà expiré.
Mais il est vrai qu’il ne s’agit pas d’une Loi mais d’une Ordonnance, c’est-à-dire le fait du Prince.
De telles voltefaces sont particulièrement préoccupantes, notamment en matière de contrats commerciaux.